jeudi 3 juillet 2008

CINE : WALL-E



"Vers l'infini, et au-delà", lançait Buzz l'éclair dans Toy Story, en 1995... Avec le recul, cette phrase sonne comme la note d'intention du studio Pixar depuis sa création en 1986 (c'est d'ailleurs le nom du livre de référence, très beau et richement documenté, récemment consacré au studio). Et on s'étonne à peine d'apprendre que 1906, le prochain film du génial Brad Bird (Les Simpson, Le géant de fer, Ratatouille), prévu pour 2012, produit par Disney/Pixar et la Warner, sera un drame en prises de vues réelles situé pendant le grand tremblement de terre de San Francisco.

En attendant, Pixar s'attaque à la science-fiction avec Wall-E, l'histoire d'un petit robot chargé de trier les ordures sur une Terre désertée depuis 700 ans par ses habitants. On pourrait être surpris par la fluidité folle de l'écriture (une qualité tellement habituelle chez Pixar qu'on finit par la considérer comme acquise) ou par l'ampleur adéquate de la mise en scène (le réalisateur Andrew Stanton avait déjà signé Nemo, le plus épique des Pixar), mais non. Ce qui frappe dans Wall-E est ailleurs : la très faible quantité de dialogues ; la pureté et l'éloquence émouvantes de l'animation, qui rend un hommage magnifique aux grands maîtres du cinéma muet (l'art de l'expression par la gestuelle rappelle Chaplin et Keaton, ainsi que l'analyse brillamment Rafik Djoumi) ; un esprit burlesque étroitement lié à l'ambition doucement subversive du film.

Comme la plupart des films d'anticipation, Wall-E pousse à l'extrême certains aspects de notre monde pour mieux attirer l'attention sur eux et nous alerter. A une évocation convenue des méfaits de la surproduction et de la pollution (le sous-texte est clairement écologiste), le film ajoute bientôt une critique, évidemment gentillette mais sensiblement plus mordante, du consumérisme, du conformisme, de l'indifférence au monde, de la désincarnation des rapports humains par la technologie...

Le film se moque de nos sociétés avec une évidence, une légèreté, une élégance et une clarté graphiques qui confinent à l'épure. Wall-E représente de manière rigolote et astucieuse des idées liées aux thèmes qu'il aborde : aseptisation, uniformisation, vivre couché, suivre un chemin tout tracé, se laisser porter, rester dans le rang... En surgissant dans ce monde cadenassé, le maladroit Wall-E le dérègle et le révolutionne, souvent involontairement. Et bien sûr, cela se traduit visuellement : chutes, collisions, déviations, réactions en chaîne catastrophiques, personnages qui apprennent au sens propre à vivre debout, à prendre des chemins de traverse, à sortir du rang...

Wall-E, nouveau tour de force, en atteste : Pixar ose et réussit tout. Vers l'infini et au-delà, en effet.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

"Le film se moque de nos sociétés avec une évidence [...] et une clarté graphiques qui confinent à l'épure. Wall-E représente de manière rigolote et astucieuse des idées liées aux thèmes qu'il aborde : aseptisation, uniformisation, vivre couché, suivre un chemin tout tracé, se laisser porter, rester dans le rang... En surgissant dans ce monde cadenassé, le maladroit Wall-E le dérègle, souvent involontairement. [...]" Et bien voilà qui pourrait tout aussi parfaitement (à la virgule près même) définir le Tati de Playtime (ne JAMAIS oublier Tati)...

Blog l'éponge a dit…

Ouaip, c'est grandiose Playtime... Mais en fait, Playtime et Wall-E puisent aux mêmes sources muettes et burlesques, donc la phrase que tu isoles s'applique également à beaucoup de films tournés avant ceux de Tati ;o)

Anonyme a dit…

Certes mais ce qui est intéressant chez Tati, comme le souligne Daney, c'est qu'à « une dialectique du haut et du bas, de ce qui s’érige et de ce qui s’écroule, Tati substitut un autre comique où c’est le fait de se tenir debout qui est drôle et le fait de vaciller qui est humain. » C'est ce "retournement" du personnage burlesque classique (qui permet un nouveau regard sur la société) qui fait sa nouveauté. Mais de toute façon, je ne sais pas ce qu'il en est exactement de Wall-E, puisque, contrairement à l'éponge chanceuse que tu es, je n'ai pas encore pu voir le film... C'est juste que la partie de ton texte mise en exergue par mes soins ma paraissait se rapprocher de la définition (très juste) du comique de Tati par Daney...

Anonyme a dit…

...et, juste pour finir, il me semblait, à la simple vision de la BA, que c'était effectivement lorsque Wall-E "vacillait" qu'il devenait "humain" (et donc touchant)... Voilà...

Blog l'éponge a dit…

Hum je sais pas si ce que dit Daney s'applique vraiment à Wall-E... enfin, peut-être au héros effectivement, mais pas à tous les personnages... Mais teuteuteu je n'en dirai pas plus sur le film, c'est assez dur comme ça de pas spoiler ^^